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Candace Nkoth Bisseck, country manager de Kaymu Cameroun
Grioo.com a rencontré Candace Nkoth Bisseck qui évoque ses activités de Country Manager chez Kaymu, une filiale de Africa Internet Group spécialisée dans le e-commerce
Par Paul Yange le 18/11/2015

Candace Nkoth Bisseck
Bonjour Candace. Vous êtes country manager de Kaymu au Cameroun. Quel a été votre parcours avant d’accéder à ce poste ?

J’ai grandi dans la petite ville industrielle d’Edéa au Cameroun. J’ai fait mes premières études à l’université de Yaoundé II à Soa, puis je suis partie en Côte d’Ivoire à Abidjan, où j’ai travaillé dans le secteur des télécommunications, d’abord dans le domaine juridique, puis j’ai rapidement évolué vers des postes à responsabilité commerciale et je suis arrivée à ce qu’on pourrait appeler un plafond de verre où je ne voyais pas quelles étaient mes perspectives dans l’entreprise où j’étais, ni même en Côte d’Ivoire au regard de mon profil.

C’est ainsi que j’ai décidé de rejoindre l’Essec, une école de commerce française en 2009.
J’ai pu avoir de belles expériences, notamment au sein du groupe l’Oreal, et des missions de conseil en innovation en France et en Asie. C’est justement durant mon dernier poste comme consultante à Paris dans un cabinet spécialisé dans l’économie numérique que j’ai été approchée par un chasseur de têtes qui m’a proposé de tenter la grande aventure du retour au pays et de venir diriger Kaymu au Cameroun.

Ecrire une page du développement numérique du continent n'est pas une opportunité qu'on rencontre tous les jours
Candace Nkoth Bisseck


Qu’est-ce qui vous a convaincu de vous lancer dans cette aventure ?
C’était assez inattendu parceque je n’avais pas planifié de retour en Afrique et au Cameroun, mais c’était une opportunité hors du commun d’écrire une page du développement « numérique » du continent.
Ce n’est pas une opportunité qu’on rencontre tous les jours et donc j’ai décidé de prendre le risque.
N’avez-vous pas eu peur d’aller dans l’inconnu ?
Si. Comme tout le monde j’ai eu peur. Mais mon enthousiasme dépassait ma peur. Quand on est débrouillard (j’ai souvent déménagé, j’ai souvent changé de continent, je me suis souvent retrouvé en galère…) ce type de parcours un peu accidenté avec des bosses, des fossés, des montagnes, finit par construire une espèce de confiance en soi qui fait que même lorsqu’on se lance dans une aventure avec incertitudes et des risques, on a confiance dans ses capacités à rebondir et à se débrouiller. Dieu merci ça fait un an que ça dure et j’ai finalement fait le bon choix !

Le poste de Country Manager chez Kaymu est un poste très polyvalent qui va bien avec une start-up
Candace Nkoth Bisseck


En quoi consiste votre travail de Country Manager ? A quels défis/problèmes êtes-vous confrontée ?

Le poste de Country manager est un poste de responsabilité opérationnelle. Il faut s’assurer que le business marche bien, que l’argent rentre, que les process sont carré. Il y a une part de représentation, on est le visage et la réputation de la marque sur le territoire national et au-delà des frontières. C’est également un poste de management avec une forte dimension humaine car on doit développer professionnellement des personnes qui n’ont jamais travaillé dans ce secteur, qui n’ont jamais eu d’expérience professionnelle formelle, ou même quand elles en ont eu ne l’ont pas forcément eu dans des structures leur imposant des standards ou des qualités d’exécution.

C’est un poste très polyvalent. C’est un poste qui va bien avec une startup car Kaymu a beau appartenir à un grand groupe, c’est une start-up qui a encore tout à prouver sur le marché camerounais.

En couverture de ''Forbes Afrique''
Le Cameroun est-il un pays prêt pour l’e-commerce ? Comme dans d’autres pays africains, il y a des problèmes d’infrastructures, les adresses ne sont pas normalisées, il y a des coupures de courant, et l’accès à internet est à améliorer...

Le Cameroun est absolument prêt. Parceque d’une part, les camerounais aiment le shopping et l’e-commerce représente une opportunité de faire ce qu’ils font déjà par un autre canal. Et ce canal s’ouvre de plus en plus. Même si le taux de pénétration d’internet n’est pas très élevé, il croît et il va encore croître avec l’arrivée de la 3G. Sur le plan des infrastructures il y a une lueur d’espoir qui apparait. En ce qui concerne le problème des adresses, nous avons fait le choix quand nous sommes arrivés sur le territoire camerounais de ne pas faire du e-commerce à l’occidentale mais de nous adapter aux réalités du pays.

Pour faire une livraison, nous appelons le client qui a déjà rempli son adresse, son quartier de manière pré-existante pour vérifier que son adresse est la bonne et pour confirmer qu’il veut toujours le produit car il peut arriver que les clients soient versatiles.
Nous sommes également adaptés en ce qui concerne le paiement par exemple. Le taux de bancarisation au Cameroun est faible, la carte bleue n’est pas encore utilisée par tout le monde. C’est comme ça que nous avons choisi de commencer par le paiement à la livraison. Ce qui signifie que le client n’a pas engagé son argent avant d’avoir eu concrètement le produit dans ses mains.

L'avenir du digital en Afrique est radieux car tout est à faire
Candace Nkoth Bisseck


C’était une manière de rassurer et d’apprivoiser le marché. Initialement nous n’avons pas voulu rajouter d’éléments de complexité sur la page mais nous avons évolué depuis lors et nous avons introduit le paiement mobile. Ça marche assez bien, l’intérêt et l’usage croît de plus en plus.
Jumia qui appartient au même groupe que Kaymu est également présent au Cameroun. Comment s’articule cette cohabitation ?

Nous sommes sur des positionnements complémentaires. Jumia a ceci de particulier qu’il permet à de gros distributeurs ou à des gros exportateurs de vendre leurs marchandises via le site et avec une gamme de prix sensiblement plus élevée. Pour acheter chez Jumia, il faut être plutôt un gros distributeur, très structuré. Il y a un nombre plus restreint de vendeurs mais dont Jumia contrôle assez bien les stocks, la qualité...

Kamyu est à l’inverse une « marketplace », une communauté de shopping où absolument tout le monde peut vendre et acheter à tous les prix. Il y a des étudiants, des cadres, des gros distributeurs, des vendeurs du marché central, des stylistes débutant, des stylistes confirmés, « Jewanda Magazine » a une boutique qui s’appelle Club Wandastic sur Kaymu.

Nous voulons vraiment créer une communauté de shopping où n’importe qui puisse trouver n’importe quoi à tout moment sur Kaymu . Nous n’avons pas nécessairement un contrôle permanent direct sur ce que nos vendeurs vendent car ils sont en mesure de mettre en ligne des produits indépendamment de nous, même si on les aide la plupart du temps.
D’un autre côté nous avons mis des outils d’auto-régulation comme cela peut se faire chez Amazon qui permettent de se faire une idée de la qualité du vendeur.

On vous a vue en couverture du magazine Forbes Afrique cette année, parmi les jeunes leaders de moins de trente ans…Quelle impression cela vous a t-il fait de vous retrouver en couverture d’un magazine comme Forbes ?

C’était un choc pour commencer. Je me rappelle que lorsque j’étais étudiante à l’Essec, avec mes camarades de classe avec lesquels nous avons créé Essec Africa, on voyait justement cette élite africaine toute jeune en couverture de magazines prestigieux. On se dit qu’on aimerait bien aux environs de 40 ans se voir consacrer même une ligne au détour d’un article. Cela dit je n’avais pas de plan, et je ne prévoyais pas que ça arrive, certainement pas moins d’un an après ma prise de fonction chez Kaymu. Il m’a fallu un peu de temps pour réaliser [ce qui arrivait].

Être en couverture de Forbes Afrique fut une surprise et un honneur
Candace Nkoth Bisseck


Au-delà de la reconnaissance, avoir ce type de visibilité qui va bien au-delà des frontières de son pays donne des responsabilités. On doit donner la meilleure représentation de soi car les jeunes regardent, les jeunes professionnels regardent, les aînés regardent. En tant que professionnel il faut faire son travail mieux que jamais. Il faut délivrer et prouver que cet honneur est mérité. Donc ça été une surprise et un honneur.
Comment voyez-vous l’avenir du digital et de l’économie numérique sur le continent africain ?

Je pense que l’avenir est radieux car tout est à faire. Nous ne sommes pas encore au sommet de nos capacités en termes de bande passante et de débit. Ça finira par arriver. C’est comme l’e-commerce. Les Africains ont conscience de l’existence de l’e-commerce depuis une décennie mais se disent que ce n’était pas pour eux. A partir du moment où on va leur donner l’occasion de tirer parti des opportunités que recèle l’économie il y aura une explosion dans ce secteur. Les Africains sont débrouillard, créatifs et ont envie de réussir. Et le numérique pour moi est un excellent moyen de dépasser les limites de sa propre vie.

Chez Kaymu, il y a des gens qui n’ont pas les moyens d’ouvrir une boutique physique, d’aller au marché ou d’être vendeur à plein temps ou commerçant. Mais qui finalement génèrent des revenus, vendent plus [via la vente en ligne] sans être plus stressés pour autant.
Le numérique peut apporter plus d’efficacité, un surplus d’opportunités, une meilleure visibilité à n’importe quelle personne que ce soit professionnellement, pour ses affaires dans sa vie personnelle. Le numérique en Afrique j’y crois sinon je n’aurais pas relevé ce challenge !
Si vous aviez un message à des personnes qui hésiteraient à utiliser des plateformes de e-commerce, que leur diriez-vous pour les inciter à utiliser ces outils qui existent désormais pour le consommateur africain ?

Je leur dirais de ne pas hésiter finalement. L’e-commerce leur permet de faire des transactions financières, du shopping, sans devoir aller au marché. Ça permet de gagner du temps, ne pas être frustré par des discussions interminables avec des marchands.

Utiliser le e-commerce donne un avantage au consommateur car il a un pouvoir de négociation du fait que s’il cherche un produit, il sait exactement à quel prix tous les vendeurs de Kaymu le propose donc il est en mesure de prendre le moins cher. Au-delà de ça, il peut budgétiser ses achats. Si il veut acheter un lecteur mp3, une clé usb et qu’il ne connait pas les prix du marché, en y allant un peu par hasard sur un marché, on va se lancer dans des discussions avec le vendeur sans savoir si le prix est bon.

J'aimerais rendre ce qui m'a été donné
Candace Nkoth Bisseck


Avec l’e-commerce il suffit de faire de la recherche en ligne et on voit tout de suite la gamme de prix, et on peut se dire je vais allouer 10 000 fcfa, 5000 fcfa ou 500 fcfa. En résumé c’est une bien meilleur expérience utilisateur. Le e-commerce c’est pouvoir acheter depuis chez soi, ou même via une application, c’est le pouvoir de négociation car on a accès à une information qu’on n’a habituellement pas à l’avance. Et on sait exactement ce qu’on peut avoir comparativement à son budget.

Avec l'équipe de Kaymu Cameroun
Comment vous voyez-vous dans quelques années ? Toujours dans le numérique ou vous laissez-vous la possibilité d’explorer d’autres opportunités ?

Ma carrière a souvent été faites d’imprévues et d’opportunités ; néanmoins j’ai une véritable passion pour le numérique, même à titre personnel. En France, à l’époque j’avais créé ma propre entreprise où j’avais un business de coaching d’étudiant et de jeunes professionnels que je faisais en ligne. Idéalement monter en compétences dans le numérique, déployer mon expertise au-delà des frontières, plus loin en Afrique peut-être.

Voir ce qu’il y a à explorer dans le domaine du numérique, mais aussi dans le développement professionnel et personnel des populations, c’est-à-dire des conférences sur le développement professionnel. Avec le temps j’ai acquis pas mal de matière avec mon poste de management très intense ici au Cameroun et par ma carrière auparavant. J’aimerais rendre ce qui m’a été donné il y a quelques années de cela. Mais comme je l’ai dit je reste ouverte aux hasards et aux opportunités de la vie.
Vidéo : Candace Nkoth Bisseck présente les activités de Kaymu
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