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Barema Bocoum, Associé chez KPMG
Grioo.com a rencontré Barema Bocoum, qui revient sur son parcours professionnel dans le secteur du conseil où, à 36 ans, il exerce comme Associé au sein du cabinet KPMG
Par Paul Yange le 27/02/2013

Barema Bocoum
Bonjour Barema Bocoum. Vous êtes Associé du cabinet KPMG. Vous êtes originaire du Mali. Y avez-vous vécu ?

Effectivement, je suis né au Mali et je vis actuellement en France où je suis devenu Associé chez KPMG l’an dernier. Mon parcours est assez international. J’ai vu le jour à Markala au Mali mais mon père étant diplomate, j’ai eu la chance de beaucoup voyager et de vivre à l’étranger durant mon enfance. J’ai ainsi vécu au Ghana, avant de revenir terminer mes années de collège et de lycée au Mali.

Grâce à la création d’une bourse d’excellence du gouvernement français, j’ai eu l’opportunité d’étudier à Paris dès 1995. Nous étions deux étudiants à en bénéficier. Je me souviens encore de notre voyage dans l’avion et de notre découverte commune de la France. Nos ambitions étaient très différentes. Il souhaitait devenir ingénieur et de mon coté, j’avais choisi de m’orienter vers les métiers de la finance et de la comptabilité. Nous sommes toujours en contact même s’il vit désormais au Canada.

Mon objectif est de devenir une figure incontournable dans mon domaine sur le marché français
Barema Bocoum


J’ai intégré une Prépa HEC et ai réussi le concours d’entrée de l’école de commerce de l’Edhec à Lille. Une fois titulaire du diplôme, j’ai suivi les cours d’un Master en finance en Angleterre. Mon stage de fin d’étude a été réalisé au sein de la direction financière d’Hewlett Packard à Grenoble, puis j’ai rejoint KPMG à Paris en janvier 2002 pour y devenir auditeur. Mon choix s’est porté sur KPMG parce que ce cabinet offrait de belles opportunités de carrières, notamment à l’étranger.
Comme je souhaitais avoir une expérience à l’international, j’ai sollicité une mutation en Angleterre suite à ma promotion en tant que Manager. J’ai ainsi rejoint les équipes de KPMG à Londres où j’ai travaillé sur des projets de restructurations. C’était une belle expérience car cela m’a permis d’acquérir une expertise pointue dans ce domaine. En 2009, je suis revenu en France chez KPMG afin de contribuer au développement de cette activité.

Londres m'a permis d'acquérir une expertise pointue sur les projets de restructuration
Barema Bocoum


Je travaille toujours sur des projets de restructuration, opérationnelle ou financière. Par ailleurs, je me suis spécialisé dans le secteur des télécom, que ce soit pour des transactions complexes, d’importantes restructurations, des projets de Joint-Venture, ou des réorganisations stratégiques… et je suis devenu Associé l’an dernier.

Vous avez débuté dans l’audit. Etait-il facile de passer dans la partie transactions ?

Les métiers du conseil m’attiraient. Néanmoins, je souhaitais acquérir une solide connaissance du métier d’auditeur afin de pouvoir ensuite conseiller au mieux mes clients. J’ai choisi de passer de la fonction de contrôle à des missions opérationnelles de conseil pour aider sur le terrain les entreprises. Pour moi, c’est stimulant de participer à l’évolution de leurs activités et de les conseiller lors de leurs grandes opérations stratégiques.
Cette évolution d’un métier de contrôle à un métier de conseil a été facilitée par le cabinet qui m’a non seulement laissé l’opportunité de changer de fonction, tout particulièrement au moment de ma mutation à Londres. C’était un vrai atout pour ma carrière car les équipes restructuring londoniennes sont des références sur le sujet : plus de 600 personnes se consacraient à cette activité et traitaient de problématiques complexes.

Il s’est avéré que les équipes françaises et anglaises travaillaient régulièrement ensemble sur des dossiers internationaux. J’ai ainsi collaboré avec Pascal Bonnet, l’Associé en charge de l’activité en France. Cela s’est bien passé. Lorsque j’ai souhaité revenir en France, je me suis donc tout naturellement dirigé vers son équipe. En 2009, lorsque la crise a commencé à se manifester en France, c’était le moment de revenir.

Que vous a apporté cette expérience à Londres?

Mes études en Grande-Bretagne m’ont laissé de bons souvenirs, mais surtout de très bons amis et un réel attachement pour Londres. En outre, ma femme étant originaire de la France et de la Grande Bretagne, vivre à Londres correspondaient à la fois à un choix personnel et à une ambition professionnelle.

D’autant que l’Angleterre est un pays ouvert, dans lequel il est possible de faire ses preuves et d’accéder à des projets intéressants grâce à son travail personnel. L’expérience s’est avérée très positive pour moi. J’ai ainsi travaillé sur des projets ambitieux et ai gagné très rapidement en maturité, en expérience et expertises. Travailler en Angleterre m’a permis de développer ma capacité d’adaptation et d’ouverture d’esprit, qualité que KPMG valorise et encourage fortement.

je suis très souvent impliqué dans des dossiers liés à l’Afrique, notamment sur des projets télécoms
Barema Bocoum
Vous êtes aujourd’hui Associé au sein du cabinet, une position qui a la réputation de ne pas être facile à obtenir. Quelles sont selon vous les qualités qu’il faut posséder pour être associé ?

Etre Associé n’est pas une fin en soi. Pour moi, devenir Associé, c’est plutôt un début. De nouveaux challenges à relever. Au départ, KPMG en France n’était pas très connu pour l’activité Restructuring. Il s’agissait de faire reconnaitre notre légitimité de terrain et de développer l’activité. Ce qui est désormais le cas. A vrai dire, pour nous, c’est important de prendre plaisir à notre travail. Structurer l’activité, prendre des parts de marché, ce sont des défis stimulants au quotidien.

Pour revenir sur ma nomination d’Associé, cela n’était pas un objectif en soi. Je n’y pensais pas en me rasant le matin ! Néanmoins, je suis quelqu’un d’ambitieux et je ne me voyais pas ne pas devenir Associé. J’ai 36 ans, et de belles perspectives devant moi. Mon objectif est de devenir une figure incontournable dans mon domaine sur le marché français.

En tant qu’Africain dans le monde de la finance avez-vous eu des difficultés particulières, des expériences difficiles, ou avez-vous toujours été dans un environnement où tout s’est bien passé ?

De façon générale, les choses se sont toujours bien passées pour moi. S’il est vrai que certains de mes amis ont pu être confrontés à des expériences déplaisantes, cela n’a pas été mon cas. Il y a un facteur chance et, quoiqu’il en soit, il faut apprendre à gérer les personnalités difficiles.
Par ailleurs, j’observe l’existence d’un blocage interne chez certains de mes proches. Il ne s’agit pas de nier les difficultés mais si on se perçoit seulement par la couleur de sa peau ou qu’on voit son origine ethnique comme un frein, elle peut en devenir un. C’est dommage de se créer soi-même un « plafond de verre ». Si on travaille sérieusement, qu’on est bon dans ce qu’on fait, et qu’on voit les gens par ce qu’ils font plutôt que par la couleur de leur peau, tout est possible. Il y a beaucoup d’exemples, à commencer par Barack Obama.

Entre le moment où vous avez commencé votre carrière et maintenant, est-ce que vous sentez une différence ?

La différence est selon moi liée à mon âge. Quand j’étais en classe préparatoire, il m’est arrivé d’être contrôlé par la police dans le RER ou d’autres expériences qui pouvaient être un peu déplaisantes. Cela peut donner l’impression d’être un peu injuste. Maintenant, cela ne m’arrive plus… Je n’ai pas le sentiment de vivre de la discrimination.

C’est peut-être parce que vous avez changé de statut…

Je ne pense pas. Le week-end, je m’habille en tenue décontractée, principalement en jean, et cela ne change rien. Durant mon parcours scolaire, j’ai toujours partagé les bancs de classe prépa ou d’école avec de nombreux étudiants de nationalités étrangères. Je me sens à l’aise au milieu de cette diversité. S’il arrive qu’une personne ne le soit pas avec moi, je me détache de son jugement : c’est son souci et non le mien. Je ne me focalise donc pas dessus et je considère que si l’on sait ce que l’on veut, qu’on s’en donne les moyens, on peut dépasser ce genre de désagrément.

C'est important pour moi de garder le contact avec le Mali, tout particulièrement en cette période troublée
Barema Bocoum

Est-ce que vous gardez des relations avec le Mali et est-ce que dans vos activités chez KPMG, vous pensez développer des activités en Afrique en général ?

En ce qui concerne ma vie personnelle, ma famille vit au Mali : mes parents, mes sœurs, mon frère sont tous là bas. Je leur rends visite au moins une fois par an. C’est important pour moi de garder le contact, tout particulièrement en cette période troublée. Nombre de mes amis maliens vivent désormais en France et en Amérique du Nord. Malgré nos vies très chargées, nous gardons contact et nous profitons de toutes les occasions pour nous voir. Nos liens sont très forts.

En ce qui concerne mes activités professionnelles, je suis très souvent impliqué sur des dossiers liés à l’Afrique, notamment sur des projets télécoms. Il s’agit généralement d’acquisitions de sociétés, de projets de joint venture, ou par exemple de mise en partage de tours télécoms. Grâce à cela, j’ai l’opportunité de me rendre régulièrement en Afrique. Je ne me sens pas éloigné de mes racines. A titre d’exemple, je suis intervenu récemment sur un important projet en RDC qui a duré deux ans.

Je travaille également sur d’autres projets dans différents pays africains. Ces missions sont réalisées en étroite collaboration avec les équipes locales de KPMG. J’apprécie de pouvoir m’impliquer dans leurs actions en les aidant ponctuellement à étoffer leurs offres de service. Cette collaboration est très enrichissante.
Comment vous voyez vous évoluer dans les prochaines années ?

Mon objectif est de devenir une figure incontournable dans mon domaine en France et cette reconnaissance se concrétise par l’augmentation de notre part de marché. Avec Pascal Bonnet, nous avons une grande liberté pour structurer, organiser et développer notre activité. Cet esprit entrepreneurial correspond à mon caractère et me permet de m’épanouir au quotidien.

Vous intervenez en Afrique. Or c’est un continent qui n’a pas toujours bonne réputation. Comment se passe la relation avec vos interlocuteurs africains par exemple ? Arrivez-vous à travailler facilement ? L’environnement des affaires est-il convenable ?

L’Afrique évolue. Nous arrivons à y travailler dans de bonnes conditions. Il faut savoir s’adapter et travailler avec des cultures différentes. Mes interlocuteurs m’apportent énormément. Nous sommes complémentaires. Ils détiennent la connaissance du terrain et de la culture locale qui sont indispensables pour adapter nos méthodes initialement françaises. Par exemple, lors d’une transaction, il est primordial de comprendre la culture de son interlocuteur. C’est enrichissant car cela nous ouvre l’esprit et nous permet aussi de réfléchir et améliorer nos propres approches en France.

Je suis plutôt optimiste car je constate que de plus en plus de fonds d’investissement, notamment dans les infrastructures, s’intéressent à l’Afrique : ils constatent que ces opérations peuvent avoir un fort retour sur investissement. Mes collègues, qui ne sont pas d’origine africaine, apprécient leurs expériences professionnelles en Afrique. De très bonnes relations se sont nouées.

Je dirais aux plus jeunes que le plus important est de s'orienter vers un métier et secteur qui leur plait
Barema Bocoum
Justement comment s’acquiert cette compétence ? Avec l’expérience, avec votre background multiculturel, le fait d’avoir beaucoup voyagé ?

L’expérience, les voyages, l’expatriation et l’écoute de l’autre favorisent cette adaptabilité. Mon passé africain m’a bien entendu beaucoup aidé.

Qu’est ce que vous diriez à des jeunes qui débutent dans la finance ou dans l’audit et qui se posent des questions sur l’orientation à donner à leur carrière ?

Il est difficile de donner des conseils génériques et je n’ai pas la prétention de tout connaitre. A mon avis, le plus important est de s’orienter vers un métier et un secteur qui vous plaisent. En ce qui me concerne, j’ai souvent fait confiance à mon instinct. Il me parait opportun de demander conseil à quelqu’un qui a de l’expérience pour qu'il témoigne de son métier au quotidien.

Ainsi, afin de préparer mes entretiens d’embauche, j’ai pris contact par le biais de mon école de commerce avec un manager de KPMG qui était originaire de Côte d’Ivoire. J’ai également échangé avec d’autres professionnels issus de l’Edhec et travaillants dans les autres bigs. Cela permet d’avoir des informations qui n’apparaissent pas dans les plaquettes de recrutement ou sur les sites internet. Mon choix s’est porté sur KPMG grâce à ces retours d’expériences. Et je m’en réjouis encore aujourd’hui.
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