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Louis-Georges Tin: "le débat du 23 Mai portera sur une question essentielle, mais tabou : les réparations liées à l'esclavage"
Le président du CRAN présente le débat organisé ce mercredi
Par Hervé Mbouguen le 22/05/2012

Louis-George Tin, le président du CRAN
Est-ce que vous pouvez présenter le débat organisé le 23 Mai prochain par le CRAN?

Ce débat porte sur une question essentielle, mais tabou : les réparations liées à l'esclavage. C'est un sujet qui est débattu à l'ONU, à l'UNESCO, à l'Union africaine, dans le monde entier. Mais en France, pratiquement pas.
C'est pourquoi nous avons décidé de lancer le débat. Sur ce sujet, il y a beaucoup de positions idéologiques. Beaucoup de gens sont contre, d'autres sont pour, mais rares sont ceux qui sont vraiment informés des enjeux. C'est pourquoi nous organisons cette rencontre, et de nombreuses questions seront posées à cette occasion : par exemple, à qui a profité la traite négrière ? Peut-on réparer les dommages liés à l'esclavage ? Si non, pourquoi ? Si oui,dans quels cas, et comment ? Qu'est-ce qui est fait à l'international ? Et en France, qu'est-ce qui est envisageable ?

Le prospectus indique une dizaine d'intervenants. Cela ne vous semble pas élevé pour un débat par nature court?

Oui et non, car les interventions seront brèves, pour laisser un maximum de place aux interactions avec le public.
Nous avons deux tables rondes. La première porte sur les enjeux internationaux, avec des personnalités de très haut niveau représentant l'ONU, l'UNESCO, l'Union africaine, l'ambassade d'Haïti, ou encore le Mouvement International pour les Réparations.
La seconde se concentre sur le débat en France, avec des personnalités également expertes.
Et nous avons la chance de recevoir en invité d'honneur le grand philosophe, Edgar Morin, médaille d'or de l'Unesco.

C'est une belle affiche, c'est une rencontre internationale qui fera date, je l'espère. C'est un débat à ne pas rater !

Nicolas Sarkozy
Quels rapports entretenait votre association sur ce type de sujets avec le gouvernement du président Nicolas Sarkozy?

Nicolas Sarkozy, on le sait, était hostile toute repentance. Il l'a souvent répété. Mais personne ne demande de repentance ! En revanche, certains demandent des réparations, ce qui est très différent !
Par exemple, pour conserver sa liberté, chèrement acquise, et éviter de retomber en esclavage, Haïti a dû payer à la France, sous la contrainte, l'équivalent 21 milliards de dollars, et cela jusqu'en 1946 ! Certains demandent que la France rembourse cette somme à Haïti, ou alors, annule sa dette.
Est-ce totalement injustifié ? En tout cas, il est certain que le gouvernement Sarkozy a tout fait pour étouffer ce débat. Reste à voir ce que fera le prochain gouvernement, dont Mme Taubira est ministre de la justice...

Louis-George Tin et François Hollande
Vous avez eu l'occasion de rencontrer le nouveau président, François Hollande, pouvez-vous nous en parler et donner votre sentiment sur ce que pourraient vos rapports?

Je l'ai rencontré peu de jours après son élection, le 10 mai dernier, dans son QG de campagne. François Hollande a tenu à me rencontrer, ce qui me paraît un signe positif donné à la question des discriminations, qui a été le sujet de notre discussion. Assurément, les relations semblent meilleures que ce qu'elles pouvaient être avec Nicolas Sarkozy. Par ailleurs, je me réjouis de la forte place
accordée à la parité et à la diversité dans le nouveau gouvernement. Cependant, je regrette que la lutte contre le racisme n'apparaisse pas dans l'organigramme. Il y a un ministère pour le droit des femmes, un autre pour le handicap, un pour la jeunesse, un pour la vieillesse, un pour l'égalité des territoires, mais rien concernant la lutte contre les discriminations raciales. Autrement dit, le sujet sera confié, comme d'habitude, à telle ou telle sous-direction du ministère de l'intérieur. Bref, c'est la police qui va lutter contre le racisme. Est-ce vraiment une bonne idée ? N'est-on pas à la limite du conflit d'intérêt ?

Patrick Lozes
Par communiqués de presse interposés on sent que les rapports entre le CRAN et son ancien président, Patrick Lozes ne sont pas au beau fixe. Pouvez-vous nous éclairer?

Depuis quelques mois, Patrick Lozès a pris systématiquement le contrepied des positions du CRAN concernant plusieurs sujets importants.
Comme beaucoup d'autres, nous avons critiqué le magazine Elle, qui avait publié des propos à la limite du racisme ; lui, a soutenu Elle, en affirmant que « les associations antiracistes se sont souvent trompées ».
Nous avons soutenu l'élection de Miss Black France, comme la plupart des acteurs de la communauté, et des médias comme Grioo, Africa n°1, Tropiques FM, Traces TV, etc ; M. Lozès n'a cessé de condamner les organisateurs en affirmant que c'était un événement dangereux et communautariste.
Nous avons affirmé que François Hollande devait rappeler que Jules Ferry était aussi celui avait relancé la Colonisation en Afrique, avec la vision raciste qui était la sienne, et M. Hollande nous a d'ailleurs donné raison ; mais Patrick Lozès a affirmé que cette polémique était vaine.

Tout cela est assez frappant. Je vous laisse juges...

Affiche du débat du 23 Mai
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