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Sylvanus Olympio (1902-1963) : premier président du Togo indépendant
Sylvanus Olympio est une figure centrale de la vie politique togolaise qui a mené le pays vers l’indépendance. Il est à plus d’un titre un acteur majeur des indépendances africaines mais reste moins connu que des personnalités comme Amilcar Cabral, Sekou Touré, Kwame N’krumah ou Patrice Lumumba. Figure modérée, il reste l’un des leaders africains qui a le plus embarrassé la puissance coloniale française
Par Hugo Breant le 26/01/2011
La jeunesse d’un membre de l’intelligentsia togolaise

Sylvanus Olympio
Sylvanus Kwami Epiphanio Olympio naît en 1902 à Kpando, l’un des districts du Togo britannique, devenu le Ghana. Il est issu d’une famille de négociants métis. Son père, Epiphanio, est un brésilien arrivé au Togo à l’âge de 19 ans pour vendre, entre autres, des tissus et des produits alimentaires. Epiphanio, qui eut six femmes et plus de trente enfants, était lui-même né d’un métissage entre une princesse yoruba du Nigéria et un trafiquant d’esclaves brésilien. La mère de Sylvanus quant à elle est une femme issue d’esclaves originaires de Dapaong, au Nord du Togo.

Héritier de cette élite togolaise métissé, Sylvanus Olympio suit un cursus scolaire exemplaire. A l’image de l’histoire de son pays, il partage son parcours entre l’Allemagne, la France et l’Angleterre. Il entre d’abord à la mission catholique allemande à Lomé, puis à l’école coloniale française. Il part à 18 ans en Angleterre où il obtient la London Matriculation, l’équivalent du baccalauréat français. Olympio reste alors à Londres pour étudier l’économie politique à la London School of Economics jusqu’en 1926. Par la suite, il part à Dijon, puis Vienne pour poursuivre son cursus en droit international.

Trois coups de feu sont tirés. Sylvanus Olympio s'écroule, mort. Il s’agit du premier coup d’Etat africain


Après ses brillantes études, il entre à la Lever Brothers Company à Londres. Au sein de cette entreprise qui allait former avec l’entreprise Margarine Unie la future multinationale néerlando-britannique spécialisée dans la vente de produits de grande consommation, Unilever, il est chargé notamment de la mécanisation des systèmes de comptabilité. Parmi ses stagiaires, l’on compte notamment le père de la future première dame du Nigéria, madame Obasanjo.
Il devient ensuite adjoint à l’Agent général d’Unilever à Lagos (Nigeria) puis chef de la société au Ghana. Enfin, en 1932, il est nommé Agent général de la filiale United Africa Company (UAC). Ce poste constitue à l’époque une promotion colossale pour un Africain. Olympio devient une figure de la vie économique togolaise et obtient la présidence de la Chambre de Commerce de Lomé, la même année. Il épouse alors Dina Grunitzky, la fille d’un officier allemand d’origine polonaise et d’une mère ghanéenne, avec laquelle il aura cinq enfants.
L’engagement précoce en politique
Très tôt, Sylvanus Olympio s’engage en politique. Dans un premier temps, il intègre des organes très liés au pouvoir colonial français. D’abord colonie allemande depuis 1884, le Togo devient un territoire sous mandat de l’ONU après la Première Guerre mondiale. Le Royaume-Uni prend en charge la partie occidentale, alors que la France se charge de la partie orientale, plus petite. De là nait la division entre les futurs Ghana et Togo.

Olympio devient ainsi conseiller politique du Conseil des notables en 1932. Ce groupement politique créé par la France a pour but d’aider la puissance tutélaire à gérer au mieux le Togo. En 1936, il est nommé vice-président du Cercle des Amitiés Françaises, qui n’est autre que la nouvelle version du Conseil des notables. En tant qu’intellectuel, il commence dès 1934 à participer aux activités du comité de rédaction d’un journal d’éducation politique, "Le Guide du Togo".
La naissance d’une figure indépendantiste

Sylvanus Olympio
L’engagement politique d’Olympio prend une toute autre envergure lorsqu’il intègre une autre structure, née quelques années auparavant. En 1924, le gouverneur Lucien Montagné initie la création d’un cercle politique destiné à renforcer les relations entre les colons et l’élite autochtone, le Comité de l’Unité Togolaise (CUT), qui a également pour but de concurrencer un groupement plutôt tourné vers l’ancienne puissance coloniale allemande, le Deutsch Togo Bund.

Au début des années 1940, Olympio intègre donc le CUT. Cette association politique prend toutefois une toute autre route que celle prévue au départ. En effet, les membres du CUT ont progressivement fait émerger l’idée d’une réunification et d’une indépendance nationale.

Ainsi, les militants du CUT participent aux manifestations d’hostilité qui suivent la Conférence de Brazzaville de 1944 au cours de laquelle le Général de Gaulle annonce qu’il n’était, pour le moment, pas du tout question d’autonomie ou d’indépendance en Afrique. De plus, c’est notamment la section de la jeunesse du CUT, le mouvement Juvento, qui porte cette idée d’une réunification du peuple Ewé, c'est-à-dire d’une ethnie disséminée entre le Sud Togo, français et britannique. Sylvanus Olympio fait donc partie des figures montantes de la scène politique togolaise qui agacent la France.

Sylvanus Olympio fait partie des figures montantes de la scène politique togolaise qui agacent la France
Sous les ordres du Gouvernement français de Vichy, le Commissaire de France, en d’autres termes le gouverneur français au Togo, fait interner Olympio pendant trois semaines parce qu’il a commercé avec l’ennemi britannique. Ce n’est que lors de l’arrivée au pouvoir du Général de Gaulle qu’Olympio reçoit finalement la consigne de s’évader de la prison, de nuit et à pied.

A la fin de la guerre, le 27 avril 1946, le CUT devient un parti politique. En effet, il est alors impératif de concurrencer un parti politique favorisé par la France : le Parti Togolais du Progrès (PTP) créé au début du mois d’avril et mené par Nicolas Grunitzky, qui n’est autre que le beau-frère d’Olympio et par Pedro Olympio, un cousin de Sylvanus. Grunitzky est un ingénieur qui a fait ses études à l’école des Travaux Publics de Cachan.

Il avait milité avec Olympio au sein du Cercle des Amitiés Françaises avant de partir en France, d’obtenir la nationalité française et de soutenir l’intégration du Togo dans l’Union française. Sylvanus Olympio prend, lui, une autre voie lorsqu’il devient le représentant togolais de la "All Ewe Conference" initiée par le professeur ghanéen Daniel Chapman, le 9 juin 1946. Son ambition est alors de réunifier un Togoland qui regrouperait les Ewé francophones et anglophones. Cette option lui vaudra des relations tendues avec le chef d’Etat ghanéen Kwame N’Krumah qui lui, selon son projet panafricaniste, voudrait plutôt que le Togo rejoigne son voisin le Ghana, qui deviendra indépendant en 1958.

Sylvanus Olympio et John Kennedy en mars 1962
En 1951, la France décide d’encourager la naissance d’un autre parti francophile concurrent du CUT : l’Union des Chefs et Populations du Nord (UCPN), dirigé par Antoine Meatchi. Dès lors, le pouvoir colonial tente d’aiguiser les tensions ethniques au sein du pays en favorisant les chefs traditionnels du nord du pays, en leur offrant des promotions politiques et des postes administratifs. L’image d’une division entre une élite urbanisée éwé au Sud et une masse paysanne utilisée majoritairement dans l’armée au Nord est sans cesse ravivée.

En novembre 1946 se déroule le premier test électoral. Il s’agit alors d’élire les députés siégeant au Conseil de l’Union française. Le CUT obtient 73% des voix et envoie son candidat Martin Aku siéger au Palais Bourbon à Paris. Le PTP lui, n’obtient que 25% des suffrages. En décembre, le CUT confirme en remportant presque tous les sièges de la première Assemblée représentative du Togo. Le bras de fer entre Olympio et la France est donc bien engagé.

En intellectuel influent et en homme d’affaires avisé, Sylvanus Olympio ne cherche cependant pas la confrontation directe avec la France. C’est un légaliste qui souhaite mettre en place une indépendance douce et raisonnée. Mais il inquiète tout de même la puissance coloniale, qui ne veut pas perdre la main sur le Togo et qui le voit de plus en plus soutenir les Etats-Unis (il rencontrera notamment John F. Kennedy en mars 1962) et tenter d’opérer un lobbying auprès de l’Organisation des Nations-Unies.

Le désir d'Olympio de voir le Togo s’affirmer comme une nouvelle puissance indépendante va rapidement accroitre les tensions anciennes avec la France
Ainsi, en 1947, il va plaider à l’ONU en tant que délégué de la « All Ewe Conference ». Par la suite, il s’y rend une à feux fois par an pour soutenir la cause du Togo, par des déclarations et des pétitions, et pour faire appliquer la charte de l’organisation, qui stipule que les puissances mandataires de l’ONU doivent tout faire pour favoriser l’accession des peuples à plus d’autonomie et d’auto-détermination.

Irrité par ses prises de parole, la France intervient auprès de la direction d’Unilever. Olympio est alors muté à Paris et convoqué à Londres. Pour éviter qu’il prenne la parole lors d’une session onusienne en France, on lui pose un ultimatum : soit il part en croisière aux frais de la compagnie, soit il démissionne. Sylvanus Olympio décide alors d’abandonner un poste prestigieux et démissionne. Sa côte de popularité est au plus haut.

La France lance une nouvelle offensive contre lui. En 1952, le Togo renouvelle son Assemblée territoriale. Face aux fraudes massives orchestrées par la France, le CUT perd la majorité et Sylvanus Olympio doit céder la présidence de l’Assemblée.
En 1954, il est arrêté par le pouvoir colonial et accusé de trafic de devises entre le Togo et le Ghana. On lui propose alors un nouveau marché : oublier cette affaire s’il renonce à la vie politique. Olympio refuse. Il doit payer cinq millions de francs CFA (le franc des colonies françaises d’Afrique) et se trouve déchu de ses droits civiques.

Le 27 avril 1958, des élections législatives sont organisées et supervisées, à la demande des nationalistes, par l’ONU. Malgré la poursuite des fraudes, le CUT privé d’Olympio triomphe en remportant 33 sièges sur 46. La première session de l’Assemblée rétablit les droits civiques de Sylvanus Olympio et le nomme Premier ministre.
1958 : l’arrivée au poste de Premier ministre
Sylvanus Olympio est donc officiellement nommé Premier ministre par le Haut-Commissaire Georges Spénale, qui lui avait retiré ses droits civiques quatre ans auparavant. Ce dernier reçoit très rapidement Mama Fousséni, un des dirigeants de l’UCPN qui souhaite rallier Olympio pour former un Gouvernement d’union nationale. Au terme de leur entrevue, Fousséni renonce finalement. La France a encore besoin de diviser pour mieux régner.

Olympio se retrouve donc à la tête d’un pays qui a résolument choisi la voie de l’indépendance. Toutefois, il préfère temporiser pour obtenir de la France des appuis économiques et techniques. Il prend alors l’avion pour Paris et rencontre le Général de Gaulle, le 28 octobre. A priori, les deux hommes se respectent. Olympio a résisté à Vichy et avait une carte de la France libre. De Gaulle a soutenu sa libération en 1946. Toutefois, les discussions autour de l’indépendance tournent court.

De Gaulle s’adresse à Olympio et lui dit : « Vous voulez l’indépendance ? Prenez-la ! ». Ce à quoi Olympio répond : « Si c’était l’indépendance que je désirais, je ne serais pas ici. » Echange révélateur des attitudes de chaque camp. De Gaulle sait que les indépendances, et particulièrement celle du Togo, sont inéluctables mais veut éviter une contagion trop rapide qui ferait perdre à la France le soutien de ses anciennes colonies. Olympio veut l’indépendance totale, l’« Ablodé Gbadja ». Mais il ne veut pas rompre totalement avec la France.

De Gaulle et Sylvanus Olympio le 16 septembre 1960 à l'Elysée
En 1959, la suprématie du CUT se confirme lors des élections municipales. Le CUT remporte 136 postes sur 160 et Sylvanus Olympio devient maire de Lomé.

Le 27 avril 1960, le Togo prend finalement son indépendance lors de cérémonies grandioses, en présence de représentants d’Etats du monde entier et Olympio déclare : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La nuit est longue mais le jour vient ! Excellences, Mesdames, Messieurs, Le grand jour tant souhaité est enfin arrivé. Notre pays, le cher Togo qui, depuis 1884, a été successivement protectorat allemand, condominium franco-britannique, territoire sous tutelle de la France retrouve, en ce jour du 27 avril 1960, sa liberté d’antan. De ce moment et à jamais affranchi de toutes sujétions, de toutes entraves, maître de son destin, maître de ton destin, cher Togo, mon cher pays, te voilà libre enfin. Au nom du peuple togolais, je proclame solennellement l’indépendance du Togo, notre patrie. » Après la Guinée en octobre 1958 et le Cameroun en janvier 1960, le Togo est le troisième pays d’Afrique noire francophone à prendre son indépendance.
1961 : le premier président du Togo indépendant
Un an plus tard, le 9 avril 1961, Sylvanus Olympio est élu Président de la République du Togo. Le CUT, devenu Parti de l’Unité Togolaise (PUT) suite à des dissensions internes, mobilise 89% des votants et récole 97% des suffrages. L’ascension politique d’Olympio autour de la thématique indépendantiste doit maintenant prendre corps dans une politique nationale durable.

Sylvanus Olympio commence d’abord par régler les problèmes internes du parti qui l’a porté au pouvoir. En janvier 1962, le Gouvernement dissout l’allié qu’est la Juvento suite à la découverte de possibles complots tentés contre Olympio. Ce dernier, souvent décrit comme un chef d’Etat modéré, emploie alors la manière forte. Certains membres quittent le Gouvernement, d’autres sont arrêtés et enfermés à Mango au Nord du pays. D’autres opposants sont contraints à l’exil, comme Antoine Meatchi au Ghana et Nicolas Grunitzky au Dahomey voisin. A cette fermeté face aux dissidences, il ajoute un goût prononcé pour un certain culte de la personnalité.

Quant à sa politique, elle lui vaut de se créer de nombreux ennemis. Dans un premier temps, pour parvenir à un équilibre budgétaire, sans aucune aide financière extérieure et avec le seul recours à l’épargne togolaise, Olympio lance une politique d’austérité très impopulaire. Politique qui le mène à affirmer haut et fort la souveraineté togolaise. Ainsi, face à la société minière qui gère le phosphate togolais, Olympio demande une révision des contrats afin que les conditions y soient plus favorables au Togo.

Sylvanus Olympio lors d'une visite en Allemagne en 1961
C’est la nouvelle politique militaire togolaise qui suscite le plus d’animosités à l’encontre d’Olympio. Ce dernier a décidé de vivre en bonne entente avec ses voisins africains et ne considère donc pas qu’une armée coûteuse soit nécessaire. Le Togo ne dispose donc plus que de 300 militaires et d’une gendarmerie qui, paradoxalement, sont placés sous le commandement d’un officier français détaché par Paris et à qui Olympio confie le poste de chef du cabinet militaire. Or, cet homme de confiance du président se trouve être également un membre des services secrets français.

En 1962, lorsque les accords d’Evian sont signés, de nombreux soldats démobilisés reviennent d’Algérie. Alors qu’ils sont accueillis sans problème au Sénégal par exemple, d’autres chefs d’Etat refusent de réintégrer ces soldats nationaux ayant lutté contre des forces indépendantistes. C’est le cas de Sekou Touré qui forcera des démobilisés guinéens à trouver refuge sur le sol sénégalais. Au Togo, Olympio refuse que les démobilisés togolais s’engagent dans la petite armée togolaise et refuse donc de créer une seconde compagnie.

Il leur propose plutôt de réaliser une formation professionnelle pour se réorienter ou d’investir leur paye dans le développement économique du pays. Relativement inquiet face aux revendications de ceux que l’on appelle désormais les « demi-soldes », Olympio demande au ministère de l’Intérieur de surveiller ces nouveaux opposants. Parmi ces militaires revenus au Togo se trouve le colonel Eyadéma qui, dès son retour entre en contact avec la coopération militaire française à Lomé pour obtenir la promotion de sous-lieutenant. Les réticences d’Olympio coupent court à ses volontés. Jamais il ne sera arrêté par le pouvoir.
Enfin, son désir de voir le Togo s’affirmer comme une nouvelle puissance indépendante va rapidement accroitre les tensions anciennes avec la France. D’abord, Olympio veut que le Togo dispose d’un grand port. La France refuse dans un premier temps car elle est en train d’en construire un au Dahomey et redoute la concurrence de ce projet de port en eau profonde qui pourrait faire du Togo une plaque tournante du commerce sous-régional, hors de sa tutelle. Le refus est renforcé lorsque le Togo bénéficie d’un prêt de plusieurs millions de Deutschmarks pour lancer les travaux.

De plus, Olympio décide d’assurer au Togo sa souveraineté monétaire et de sortir ainsi de la zone franc. Comble de l’affront, la nouvelle monnaie serait garantie par la Bundesbank et, à la suite d’un appel d’offres lancé au Togo, c’est l’Angleterre qui serait chargée de battre la monnaie. La rupture de contrat avec la Banque de France devait avoir lieu le 15 janvier 1963. Le destin d’Olympio en a décidé autrement. A Lomé, les rumeurs vont bon train. Le Président pourrait bien mourir assassiné. Rumeurs confirmées par deux tentatives manquées.
1963 : l’assassinat

Sylvanus Olympio lors d'une visite à Munich en mai 1961
Le 12 janvier 1963, Sylvanus Olympio refuse de participer à l’inauguration du Centre Culturel Français et préfère y envoyer Rodolphe Trénou, le secrétaire général du Gouvernement et ministre de l’information. Olympio avait déjà retardé cet évènement à plusieurs reprises depuis un an, si bien que le Goethe Institut a finalement été inauguré en premier au Togo.

Dans la soirée, Sylvanus Olympio s’installe dans sa chambre pour travailler et préparer la visite qu’il doit effectuer le lendemain au Liberia. Avec le président Tubman, il doit rédiger une ébauche de charte constitutive de l’Organisation de l’Union Africaine. Cette tâche leur a été confiée par le groupe de Monrovia, c’est-à-dire par les chefs d’Etats africains modérés.

Un groupe de soldats, avec à sa tête Emmanuel Bodjollé, arrive devant la maison d’Olympio. Ils disposent d’armes prises dans l’arsenal militaire togolais, dont une seule personne a la clé : le chef de cabinet militaire d’Olympio. Une altercation commence entre ces « demi-soldes » et les deux policiers en faction devant le domicile présidentiel. Dina, la femme d’Olympio s’en inquiète. Des coups de feu sont tirés en direction de leur fenêtre. Sylvanus Olympio décide alors de sortir par l’arrière de la villa, d’escalader le mur attenant qui mène à l’ambassade des Etats-Unis et de se cacher dans l’enceinte de l’ambassade, sur la banquette arrière d’une voiture laissée là.

Olympio décide de sortir de la zone franc et d’assurer ainsi au Togo sa souveraineté monétaire. Comble de l’affront, la nouvelle monnaie serait garantie par la Bundesbank et, à la suite d’un appel d’offres lancé au Togo, c’est l’Angleterre qui serait chargée de battre la monnaie
Pendant ce temps, les soldats s’introduisent dans la maison, fouillent tout, en vain. Le colonel Eyadéma, présent cette nuit là, appelle alors Henri Mazoyer à l’ambassade de France pour lui expliquer qu’ils n’arrivent pas à trouver Olympio. Mazoyer appelle rapidement l’ambassade des Etats-Unis pour leur signaler que le président Olympio serait peut-être caché dans leurs murs. L’ambassadeur Poullada sort et finit par trouver Olympio, terré dans la voiture. Il lui demande d’attendre pendant qu’il va chercher les clés pour le mettre à l’abri.

Le groupe d’assaillants fait savoir dans la nuit que des militaires sont en train de prendre le contrôle du pays. L’armée togolaise se rallie à eux. La plupart des ministres sont arrêtés et conduits au camp militaire. A 6 heures du matin, la radio française France Inter annonce sur ses ondes que Sylvanus Olympio a été tué. Au fond de sa voiture, Olympio est pourtant bien vivant.

Les heures défilent et l’ambassadeur américain ne revient toujours pas. Personne n’a encore jamais pu le vérifier, mais il semblerait qu’il ait été intercepté par des militaires sur la route du retour. Les assaillants décident alors de ne plus attendre et pénètre dans l’enceinte de l’ambassade des Etats-Unis, lieu pourtant protégé. Ils trouvent alors Olympio et le forcent à sortir de l’ambassade. Ils veulent l’emmener lui aussi au camp militaire mais n’ont plus de jeep. Ils interpellent alors une Volswagen passant par là et montent à bord. Le chauffeur, clair de peau n’est autre qu’Yves Brenner, le directeur de l’information. Il reconnait aussitôt Olympio et lui demande, en éwé, si tout va bien.
Les hommes en armes se rendent alors compte que le chauffeur n’est pas un Européen, comme ils le pensaient, mais un Togolais. Ils le font s’arrêter et reviennent sur leur pas. Dina Olympio, depuis la villa regarde le groupe revenir devant l’ambassade. Tout à coup, trois coups de feu sont tirés. Sylvanus Olympio s’écroule, mort. Il s’agit du premier coup d’Etat africain.

Dans la foulée, les putschistes prennent la direction des opérations. Emmanuel Bodjollé prend la tête d’un Comité insurrectionnel et lit une « proclamation au peuple togolais » diffusée sur les ondes. Les militaires commencent à élargir leur assise. Il ne s’agit plus d’obtenir le soutien d’une corporation mais de lancer un message politique au pays tout entier. Bodjollé est remplacé au bout de deux jours par Nicolas Grunitzky qui restera au pouvoir jusqu’en 1967.

La nouvelle se répand très vite en Afrique et dans le monde. Et tous s’indignent de cette nouvelle. Le président Houphouët-Boigny d’abord : « Nous ne pourrons jamais admettre que le crime politique devienne le moyen de supplanter ses adversaires. » Le président de la Haute-Volta, Yameogo, ensuite : « Ce genre de règlement de comptes déshonore l’Afrique et l’humanité. » Il ajoute que tout Etat qui reconnaitrait le nouveau régime togolais serait « complice de l’assassinat ». Puis c’est le président guinéen, Sékou Touré, qui demande au secrétaire général de l’ONU, le birman U-Thant, qu’une enquête soit ouverte. Le président du Dahomey, Hubert Maga, suggère quant à lui qu’en cas de récidive en Afrique, les autres États pourraient intervenir.
En 1967, Grunitzky est remplacé par le colonel Eyadéma. Le 26 janvier 1963, l’hebdomadaire français Paris-Match avait publié une interview dans laquelle Eyadéma avouait avoir tué Olympio. Plus de dix ans plus tard, il reviendra sur cette version en expliquant que Sylvanus Olympio ne voulait pas avancer et qu’un autre putschiste lui avait donc tiré dessus. Toujours est-il qu’Etienne Eyadéma gardera le pouvoir au Togo jusqu’à sa mort en 2005.

Le 20 septembre 1964, Dina Olympio meurt. Elle est enterrée à côté de Sylvanus, à Agoué, au Bénin.
La mémoire de Sylvanus
Le souvenir d’Olympio est aujourd’hui idéalisé par bon nombre de Togolais. Il représente la figure de l’homme qui a offert l’indépendance au Togo, de celui qui aurait pu mener le Togo vers un destin pacifique et prospère.

La mémoire d’Olympio a notamment été maintenue vivante par le fort rôle politique qu’a eu son troisième fils, Gilchrist Olympio. Né en 1936, il a suivi le parcours scolaire et universitaire brillant de son père avant de travailler pour le groupe minier LONRHO Limited à Londres puis pour le secrétariat général de l’ONU. Après avoir créé le Mouvement Togolais pour la Démocratie (MTD) en réponse au Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) d’Eyadéma, il fonde le 7 juillet 1991, lors de son retour au Togo après 25 ans d’exil, à l’occasion de la Conférence Nationale Souveraine, l’Union des Forces du Changement (UFC).

Ce parti devient la première force d’opposition du pays jusqu’à ce jour. Le 5 mai 1992, Gilchrist est victime d’une tentative d’attentat à Soudou. En 1993, on lui interdit de se présenter à l’élection présidentielle car il a été soigné à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris, et non au Togo. En 1998, il peut se présenter mais sans faire campagne au Nord du pays. Il remporte le premier tour de la présidentielle. Mais la Commission Electorale Nationale est dissoute et le général Eyadéma est donné vainqueur. En 2005, Gilchrist cède sa place au candidat unique de l’opposition, Emmanuel « Bob » Akitani. En 2010, il ne peut toujours pas se présenter car il est hospitalisé aux Etats-Unis.

La mémoire d’Olympio reste donc au Togo un enjeu politique fort. Ainsi, lors de la campagne présidentielle de mars 2010, le président sortant Faure Gnassingbé, fils d’Eyadéma, a proposé que les cendres d’Olympio soient rapatriées au Togo. Nombre d’opposants ont refusé cette symbolique forte visant une certaine réconciliation nationale, mais émanant du fils de l’assassin d’Olympio.
Vidéo : interview de Sylvanus Olympio sur lors de l'émission ''Meet the press'' sur la chaîne NBC

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Archives
Vous pouvez écouter le discours d'accueil de John Kennedy à Sylvanus Olympio le 20 mars 1962 à l'aéroport de Washington via le lien suivant : http://www.jfklibrary.org/Asset-Viewer/Archives/JFKWHA-082-001.aspx

Vous pouvez consulter les documents en ligne de la bibliothèque John Kennedy au sujet des relations entre les Etats-Unis et le Togo via le lien suivant : http://www.jfklibrary.org/Asset-Viewer/Archives/JFKPOF-124-016.aspx
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